La crue de la Seine de 1910

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La crue de la Seine de 1910

Cette crue de la Seine est occasionnée par la conjonction de plusieurs facteurs :

  • pluviométrie importante,
  • neige et gel,
  • débordement de plusieurs cours d'eau : Yonne, Loing, Grand Morin,
  • sous-sols saturés dans tout le bassin parisien (en forme de cuvette).

La dernière crue de la Seine date de 1876. En janvier 1910, des inondations importantes se produisent également en Alsace-Lorraine, alors rattachée à l’Allemagne.

L'inondation

Le 20 janvier, la navigation sur la Seine au niveau de Paris est arrêtée car il n'y a plus assez de place pour passer sous les ponts. Le Zouave du pont de l'Alma, sur lequel les Parisiens ont l’habitude de mesurer la hauteur des crues de la Seine de puis 1856, a de l’eau jusqu’aux pieds. La banlieue Est parisienne compte des villes inondées.

Le 21 janvier, l'usine de la Société Urbaine d'Air Comprimé située dans le XIIIe arrondissement est arrêtée, ce qui a pour conséquence d'arrêter les horloges publiques et les ascenseurs. Les berges du 12e arrondissement sont inondées, les barriques de vins de l’entrepôt de Bercy sont également sous l’eau et la pluie continue. Le Zouave du pont de l’Alma a de l’eau jusqu’aux genoux.

Le 22 janvier le gouvernement décide d’agir en envoyant l’armée pour installer des planches de bois au niveau des habitations les plus proches de la Seine. Les chevaux remplacent les automobiles, l’électricité saute par à-coups, des tourbillons de boue s’enfilent dans les rues. 

Le 23 janvier, le niveau de la Seine atteint le haut des quais, qui étaient conçus pour résister à une crue équivalant à celle de 1876 : une partie de Paris est inondée. Le Zouave du pont de l’Alma a de l’eau jusqu’aux épaules.

Le 24 janvier, dans la banlieue proche de Paris, on compte déjà sept morts. Les tramways et métros sont suspendus, les gares d’Orsay et Austerlitz ferment leurs portes, le téléphone cesse de fonctionner et les habitants s’organisent. Les problèmes de ravitaillement sèment la panique et les provisions se font dans la cohue. Les habitants de rez-de-chaussée s’installent chez leurs voisins du 1er étage.

Le 29 janvier, la pluie cesse et la Seine baisse enfin.

Les dégâts et les sinistrés

Le 28 janvier, 22 000 caves et des centaines de rues sont envahies par une eau glacée et de plus en plus polluée car les égouts refluent. En effet, des dizaines de milliers de fosses d'aisance dans les sous-sols qui ne sont pas raccordés aux collecteurs municipaux sont inondées. Les bateaux-citernes qui doivent évacuer hors de Paris les résidus ne peuvent plus passer sous les ponts. La situation sanitaire devient préoccupante, des cas de typhoïde et de scarlatine sont signalés. Il faut attendre la mi-mars pour que la crue soit entièrement résorbée. Les libraires et les éditeurs notamment paieront un lourd tribut à la crue, tous leurs stocks définitivement perdus. La plupart des monuments ont été également sous l’eau dont le Palais de justice qui voit ses archives disparaître. 

L'inondation a causé des dégâts d'un montant de 400 millions de francs-or en ce qui concerne les dommages directs auxquels il faut ajouter 50 millions de francs-or distribués à titre de secours.

Paris

À Paris, 20 000 immeubles sont inondés sur 40 kilomètres et 12 arrondissements. La moitié du réseau métropolitain existant à l'époque est inondée. Ainsi, la ligne 4 qui venait d'être inaugurée quelques semaines plus tôt est fermée. Les journaux appellent à la solidarité, des barques taxis se mettent en place, et même des boulangeries qui décident de livrer le pain en bateau.

Les surfaces inondées correspondent aux zones alluviales du méandre de la Seine, étendues en rive gauche notamment dans le quinzième arrondissement et également au cours préhistorique de la Seine qui passait au nord des grands boulevards de la rive droite et jusqu'au pont de l'Alma au débouché du grand égout recouvert vers 1760. Une grande partie du quartier du Marais, qui correspondait au large lit du fleuve à l'époque néolithique puis à des marécages progressivement viabilisés à partir du Moyen Âge, est submergée.

Le gymnase de la rue Saint Lambert est transformé en dortoir pour les sinistrés. Une partie des malades de l'hôpital de la Charité est évacuée, le fonctionnement de l'établissement devenant difficile.

Périphérie

La situation de la banlieue est dramatique en amont comme en aval avec plus de 30 000 maisons sinistrées.

Ivry-sur-Seine

Après avoir été inondée, l'usine de vinaigre Pagès Camus explose. Il s'ensuit un incendie qui la détruira totalement. Ivry-sur-Seine, qui sera particulièrement sinistrée, fera l'objet de visites de nombreuses personnalités comme Armand Fallières, Aristide Briand, Alexandre Millerand, Louis Lépine.

Gennevilliers

La crue de 1910 n’épargne pas Gennevilliers. Les digues sont complètement submergées et le refoulement des eaux d’égout contribue à rendre la catastrophe encore plus violente. Les dégâts sont gigantesques sur l’ensemble de la commune. Plus de 1 000 maisons sont atteintes, 150 sont évacuées et 13 complètement écroulées.

Villeneuve-la-Garenne

Le bilan des inondations est catastrophique. Malgré les digues, l’eau atteint 1,20 m dans beaucoup d’endroits. Les cultures sont ravagées, les maisons s’écroulent, beaucoup d’animaux périssent noyés. Dans le hameau de Villeneuve-la-Garenne, dépendant alors de Gennevilliers, on est obligé d’entrer dans les maisons par les fenêtres du premier étage. Dès le 21 janvier, les avenues de Gennevilliers (avenue de Verdun) et d'Asnières (boulevard Gallieni) sont submergées. Le 26 janvier, les écoles sont évacuées. Dans la nuit du 27 au 28 janvier, les digues sont submergées. Les familles les plus touchées sont évacuées en barques ou en embarcations de fortune. Le 29 janvier, l’inondation est générale. C’est seulement début février que la décrue s’amorce, mais il faudra plusieurs semaines pour nettoyer les boues et déblayer les rues des amas de ferrailles et de détritus de toutes sortes.

L'Île-Saint-Denis, Saint-Denis et Épinay-sur-Seine
L'inondation fait également de grands dégâts dans la partie ouest de ce qui est aujourd'hui la Seine-Saint-Denis (L'Île-Saint-Denis, Saint-Denis, Épinay-sur-Seine).

Suresnes

À l'instar des villes des Hauts-de-Seine situées le long de la Seine, Suresnes est partiellement touchée par la crue, le fleuve envahissant les quais et les bas quartiers, jusqu'à la place Eugène-Sue au sud, près de la rue de Verdun au nord et avant la rue des Bourets au centre. Historiquement bâtie sur un plateau de sable inaccessible aux inondations, la majorité de la ville y échappe donc. Toutefois, les rues envahies par les eaux amènent les habitants à circuler en bateau ou sur des passerelles provisoires le long des maisons. Le pont de Suresnes reste cependant accessible à ses deux extrémités. Après la fin de la crue, il faut remettre en état les bâtiments dévastés et aider les chômeurs, grâce à 143 193 francs recueillis, de l’État, de la préfecture, d’entreprises ou encore de la ville anglaise de Keighley, avec laquelle Suresnes est jumelée. Par la suite, un nouveau plan d'aménagement de la Seine permet la construction du nouveau barrage-écluse.

Aval de la Seine

Alors que les six usines d'épuration et d'incinération au bord de la Seine sont devenues inaccessibles, le préfet Lépine met en place l'opération « Ordures au fil de l'eau » pour prévenir les épidémies : les 500 chariots hippomobiles qui collectent chaque matin 1 500 tonnes d'ordures déversent des tombereaux de déchets dans la Seine à partir du pont de Tolbiac et du viaduc d'Auteuil pour les évacuer dans la Manche. Lors de la décrue, les ordures se sont déposées sur les quais et les arbres de la ripisylve des communes situées en aval, entraînant des protestations de la part de ces communes.

Publié dans Inspirations

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